Pas de Quartier!
Création 2010
Spectacle de rue, joué de nuit
Tout Public
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Spectacle soutenu financièrement par la D.R.AC. des Hauts - de - France, le Conseil Régional des Hauts de France, le Conseil départemental de la Somme, Amiens Métropole et Le Hangar - Amiens.
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Texte : Luc Kienzel
Mise en scène : Veronic Joly
Avec Hervé Germain, Luc Kienzel, Gwénaëlle Mendonça et Philippe Patois
Scénographie : Bertrand Siffritt
Création lumière: Didier Malaizé
Création costumes : Bertrand Sachy
Création sonore : Lug Lebel
Création musicale : Dominique Lafontaine
Tout tourne autour de monsieur Monsieur et de sa voiture.
Grand industriel, capitaliste bien dans son époque, parvenu notoire, il a gagné la guerre de succession contre son frère, conformément aux saintes écritures dont on nous dit, en introduction, qu’elles justifient la loi du plus fort.
Au moment où on les surprend, lui, sa femme et son chauffeur, en train d’enfermer le frère dans le coffre de la voiture, celle-ci tombe en panne.
Le public est pris à témoin de cette avanie qui pose un sérieux problème à monsieur. Il y va de sa réputation et de son avenir.
Là-dessus, sa secrétaire lui rappelle un rendez-vous médiatique important. Effectivement, au moment où doit s’opérer une délocalisation délicate, il y a nécessité de communiquer. D’autant plus que ses tutelles financières le mettent sous pression.
Pour se détendre, il lui demande son chocolat chaud. La secrétaire n’arrive pas à le satisfaire. Il l’a vire.
Le mari de l’infortunée assistante le prend mal, faut dire qu’il y perd son gagne-pain. Il se montre sauvagement agressif. Madame apparaît, sa libido en est toute ébranlée. Elle lui met le grappin dessus.
Monsieur Monsieur les surprend en position douteuse. Il pique une crise, la relation se tend à tel point que le chauffeur poignarde l’énergumène.
F-A-I-T D' H-I-V-E-R
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Il ne faut pas que ça se sache
Le chauffeur se voit dans l’obligation de découper le corps, et de l’enfermer dans des sacs poubelles qu’il dépose où il peut.
Madame en devient hystérique.
Qui plus est, monsieur est en permanence dans l’obligation de se justifier en haut, et n’est guère aidé par un personnel incompétent en bas.
Alors, ça va aller de mal en pis.
Son fils toxicomane va renverser accidentellement la secrétaire. Sa jalousie aura raison de sa femme. Des réfractaires au progrès économique vont faire sauter l’usine et ceux qui la déménagent de ses machines. Le frère échouera dans sa tentative de gagner le public à sa cause et se suicidera, sans parler du reste…
Le chauffeur aura avec tout ça du pain sur la planche à découper. Une pauvre prostituée, fuyant une ronde de police et venue se réfugier dans ses bras virils, en pâtira, victime du besoin irrépressible du boucher de se détendre un peu.
Finalement, les tutelles interviendront fermement, condamnant monsieur Monsieur en un jugement sommaire.
Le fils sera nommé héritier légitime. Il se préparera pour le grand rendez-vous médiatique censé promouvoir les nouvelles orientations écologique, éthiques et durables de l’entreprise qui n’est plus à papa.
La voiture redémarrera, ne laissant sur place qu’un amoncellement de sacs poubelles que la voirie n’aura plus qu’à ramasser.
Il restera peut-être sur place un enfant, seul, avec un ballon crevé.
Fin d’un petit conte parabolique
Comme pour nos précédents spectacles de rue, nous sommes partis d’un thème générique, le fait-divers, et nous l’avons mis en perspective avec nos interrogations, nos réflexions, nos sentiments, et nos ressentiments sur la société dans laquelle nous vivons.
Pas de quartier ! est « un spectacle noir à jouer la nuit » inspiré par un monde où l’avenir paraît bien sombre et où il semble de plus en plus illusoire pour beaucoup qu’un jour nouveau, plus « éclairée », se lève. Forts de la conviction que le théâtre doit porter une expression qui ne peut se soumettre à cette fatalité, nous inventons, avec ce projet, une histoire qui met en jeu certains des « archétypes » que nos contemporains connaissent.
Nous les lâchons dans la rue, parce que nous pensons que la rue est aussi le lieu de l’interpellation, dans une sorte de « bouffonnerie macabre automobile », illustration d’une fable politique d’aujourd’hui.
Elle se joue en fixe, le public en demi-cercle, avec comme seul décor le lieu où l’action se déroule, et une voiture, objet emblématique, qui arrive du lointain et tombe en panne, là. C’est de cette excroissance emblématique de notre belle modernité libre-échangiste, transformable à souhait, que monsieur Monsieur, grand entrepreneur de droit divin, perd pied et enclenche une machine infernale laissant un certain nombre de cadavres derrière elle. On y voit le crépuscule d’un dieu, stylisé, d’inspiration expressionniste mâtinée de Grand Guignol.
D’où l’idée de jouer à la nuit tombante, d’amener au frisson que procurent les égarements nocturnes. C'est également l’esprit d’engagement du cabaret qui souffle sur cette création où les chansons, interprétées en direct, contrepoints « distancés » à l’action, tiennent une bonne part.
Lumières, sons et musiques sont intégrés au véhicule, comme sortant d’un autoradio, dans l’idée cependant que les personnages soient pleinement présents à l’endroit où ça se passe, réceptifs à l’ambiance environnante, en interaction et en connivence avec les spectateurs.
Notre proposition renvoyant à des figures connues, à des évènements contemporains, nous voulons que le type et le niveau de jeu des acteurs, la dinguerie de leurs interprétations et le développement des situations, en montrent la folie et expriment, tout en les rendant risibles, les mortelles conséquences de leurs actes.
En accord avec l’esprit de son projet artistique, autour d’une équipe rodée à ce que cela impose, le Cie Art Tout Chaud tente à nouveau le pari d’une création originale pour la rue, lieu par nature de rassemblement populaire, et de mise en questionnement et en représentation du monde.